Réduire les souffrances humaines au Bangladesh
Interview avec Yvonne Dunton
D’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), depuis août 2017 620.000 birmans ont trouvé refuge à Cox Bazar, un district au sud du Bangladesh. Dans un premier temps, les réfugiés sont pris en charge dans un camp temporaire pour être dépisté, pour être ensuite conduit vers le « mega camp » où ils peuvent construire leur abri, fait de bâches et de bambous. Le camp a déjà largement dépassé sa capacité d’accueil. Les abris sont accrochés aux pentes des collines, exposés aux inondations régulières et ne laissant pas de place pour installer suffisamment de structures sanitaires, de pompes à eau, de latrines ou de postes de santé. Vu l’ampleur de la crise et la rapidité, il a été difficile de mettre en place d’assez d’abris, de centres de santé et de distribuer assez de nourriture et de produits humanitaires. En raison du nombre très important de réfugiés arrivant en très peu de temps, une sévère crise humanitaire est arrivée rapidement au Bangladesh.
Dans une interview, Yvonne Dunton, 54 ans, responsable des projets de Malteser International au Bangladesh, nous donne un aperçu de la situation sur place et de la crise, la plus
rapide en termes de développement.
Madame Dunton, pouvez-vous nous expliquer cette actuelle crise humanitaire ?
De nombreux réfugiés ont tout perdu en arrivant ici dans les camps au Bangladesh et ont beaucoup souffert pendant leur fuite. Les blessures par armes ou brûlures sont soignées dans les hôpitaux, qui sont débordés face à l’afflux de réfugiés. Les femmes ont perdu leur mari, les enfants ont perdu leurs parents ou d’autres membres de leurs familles. De nombreuses personnes sont traumatisées par les récents événements et n’arrivent pas à se projeter. Ces personnes sont aujourd’hui en sécurité, ont un endroit pour dormir, de quoi manger, de l’eau, des soins et ont l’espoir que peut être la communauté internationale restera à leurs côtés dans les prochains mois.
D’après une enquête récente dans un camp, la malnutrition concerne 24% des enfants de moins de cinq ans. Soit un enfant sur quatre.
Qu’est ce qui a déjà été mis en place depuis l’arrivée des réfugiés en août ?
Un appui considérable de la communauté internationale et un soutien financier ont été mobilisés dès les premiers mois de la crise. Cela a permis d’agir rapidement et de distribuer de la nourriture, des produits d’hygiène, de construire des abris, des puits et pompes à eau, des latrines, des centres de santé, de soutenir les hôpitaux locaux et d’offrir une prise en charge psychosociale. Le gouvernement bangladaiset la communauté internationale ont travaillé en étroite collaboration pour répondre à cette crise majeure et aux besoins des réfugiés. Différents forums ont été mis en place afin d’assurer une bonne coordination entre les différentes organisations humanitaires nationales et internationales.
Quels sont les besoins urgents des réfugiés ?
La plupart des réfugiés arrivent dans les camps sans avoir rien emporté avec eux. Ils dépendent alors complètement de l’aide extérieure, pour avoir le nécessaire pour survivre : des bâches, de la nourriture, des ustensiles de cuisine, du bois de chauffage, de l’eau et des soins de santé.
Nous devons prendre en charge de manière urgente les nouveaux-nés et enfants souffrant de malnutrition. Pour lutter contre cela, nous mettons en place un programme d’alimentation thérapeutique. Nous devons également traiter le surpeuplement et les mauvaises conditions d’hygiène dans les camps, afin d’empêcher la propagation d’épidémies. Les hôpitaux étant surchargés, nous devons organiser des campagnes de prévention des maladies, poser des diagnostics précoces et traiter les maladies rapidement, afin de stabiliser le système de santé.
En septembre, Malteser International a mis en place des Cliniques médicales mobiles dans les camps. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Malteser International travaille en partenariat avec Gonoshasthaya Kendra pour installer deux postes de santé. Gonoshasthaya Kendra est une organisation humanitaire bangladaise, fondée en 1971 pendant la guerre d’indépendance, dont les actions sont guidées par l’éthique, l’égalité des genres et la transparence. Avec l’appui financier et technique de Malteser International, Gonoshasthaya Kendra a rapidement mis en place deux postes de santé dans le « Mega Camp ». Ces structures fonctionnent 7 jours sur 7 et reçoivent plus de 100 patients par jour. Les personnes malades et blessées ont accès gratuitement aux soins de santé primaire. Les volontaires des centres expliquent également aux enfants les règles d’hygiène et de bonne alimentation. Les enfants souffrant de malnutrition sont référés aux centres d’alimentation thérapeutique.
Quels sont les défis auxquels les organisations humanitaires doivent faire face ?
Le surpeuplement dans les camps de réfugiés est une contrainte majeure pour notre travail. Dans ces conditions, et en raison du manque de place, il est difficile de mettre en place des services de santé adéquats. Le manque d’infrastructure et de routes à l’intérieur même du camp, rend l’approvisionnement de l’aide humanitaire également difficile. En raison de l’incertitude quant aux décisions du gouvernement bangladais et du développement de la situation, il nous est difficile de planifier sur le long terme.
Quelle est votre expérience personnelle de la situation ?
Malgré la situation critique sur place, je suis touchée de voir la volonté et la générosité de nombreux particuliers et gouvernements ainsi que le travail acharné des volontaires et personnels humanitaires. C’est une motivation et une vraie force au quotidien pour offrir aux réfugiés l’aide dont ils ont besoin.
30 novembre 2017